Édito par Florence

Je m’appelle Florence, mais sur Internet, on me connaît sous le pseudo @insa.vells. Je cumule de nombreux handicaps qui s’entremêlent, et j’ai passé une grande partie de ma vie à ne même pas être au courant de ces derniers. J’ai vécu plus de 25 ans sans savoir que j’avais plusieurs maladies et troubles qui s’entremêlaient et qui ont bouleversé ma vie sans que je ne comprenne pourquoi.

Tout a commencé quand j’étais au collège ; un de mes ménisques (cartilages des genoux) s’est déchiré spontanément, sans que personne ne comprenne pourquoi. Et personne ne veut soigner les genoux d’une enfant de 12 ans, alors j’ai gardé mes douleurs dont personne ne voulait s’occuper. Puis des migraines sont apparues, de plus en plus handicapantes, et des évanouissements. Personne ne savait ce qui se passait, on m’a fait passer une batterie de tests en hôpital et avec le recul, je me demande comment les médecins ont fait pour ne pas trouver la réponse qui était évidente. J’ai loupé plus de 50 % des cours au lycée à cause de ces migraines invalidantes, et pourtant, j’ai réussi à avoir mon bac. Il a fallu que je me fasse renverser par une voiture à 22 ans pour que je sois enfin opérée des genoux, et que cela me déclenche des douleurs horribles : une algodystrophie. J’ai dû me mettre à marcher avec une béquille, et d’autres douleurs horribles sont apparues, dans mes mains et mes épaules notamment. Mes doigts se bloquaient souvent. Tout ce que les médecins trouvaient à dire c’est « c’est parce que vous marchez avec une béquille ».

Finalement, à force d’en parler, quelqu’un m’a parlé du syndrome d’Ehlers Danlos ; j’ai fait mes recherches dessus, et je me suis rendu compte que cette maladie expliquait absolument tous mes problèmes de santé depuis l’enfance. L’hypermobilité du SED (syndrome d’Ehlers Danlos) m’avait détruit les genoux ; les migraines étaient dûes à cette maladie aussi, ainsi que les évanouissements qui étaient le fait de l’hypotension orthostatique dont je souffre. Le syndrome d’Ehlers Danlos est une maladie génétique qui touche les tissus conjonctifs, autrement dit 80% du corps. Cela impacte la peau, les organes, les articulations, le système nerveux autonome, etc. Bref, quasiment rien n’est épargné.

Il a fallu me battre avec des médecins mal informés ou méprisants pour réussir à ce qu’on me laisse consulter un spécialiste de la maladie. Certains médecins inventaient des symptômes qui n’existent pas pour être sûrs que je ne corresponde pas au tableau clinique du SED. D’autres faisaient même exprès de nier mes symptômes. L’un d’eux a été jusqu’à écrire sur son compte- rendu que je n’avais aucune douleur. Certains patients s’entendent même dire que c’est une maladie à la mode, ou inventée. Pourtant, je souffre, constamment, comme si je m’étais fait percuter par un camion et rouler dessus par le reste de la circulation. Mes articulations se déboîtent de manière aléatoire. La douleur me donne souvent l’impression que l’on m’arrache des membres.
Cet été, je me suis ouvert le genou, j’ai saigné pendant3 semaines non-stop, personne ne savait quoi faire pour que ma peau se décide à entamer sa cicatrisation. Je suis fatiguée tout le temps ; cette maladie entraîne notamment une fatigue chronique. Je prends un traitement pour stabiliser ma tension qui est à la fois trop basse et trop irrégulière ; si je ne prends pas ces médicaments, je peux tomber dans les pommes juste parce que je me mets debout. Je ne peux plus porter autre chose que des chaussures plates, j’ai une quantité d’énergie limitée pour la journée, je suis crevée quoi qu’il arrive, je ne peux plus marcher longtemps et surtout pas sans aide (béquille ou fauteuil), je ne peux plus faire les sports que j’aime, bref, j’ai renoncé à bien des choses. Je me suis adaptée à tout ça, j’ai pu obtenir la reconnaissance de handicap par la MDPH (Maison Départementale pour les Personnes Handicapées), ce qui m’aide grandement parce que je ne peux pas rester longtemps debout. J’ai la chance d’être mon propre patron, j’ai un salon de tatouage à Dijon, donc j’ai adapté moi-même ma manière de travailler et surtout mon temps de travail. Je tatoue maximum 3 à 4 heures par jour, sinon je sais que mon corps me le fera payer très cher. Puis par hasard, on m’a annoncé que j’étais également autiste et atteinte de TDAH (Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) ; ces deux troubles du neurodéveloppement sont des comorbidités du SED. Le diagnostic m’a permis d’encore plus comprendre mon comportement et mon fonctionnement.

Maintenant, j’utilise mon compte pour en parler justement, pour faire connaître le syndrome d’Ehlers Danlos, l’autisme, et le TDAH aux gens ; j’ai été en errance médicale tellement longtemps, toute ma vie quasiment puisque j’ai été diagnostiquée vers mes 26 ans du SED et à mes 28 ans de l’autisme et du TDAH. Je vois encore trop d’idées reçues sur les handicaps, particulièrement quand ils sont invisibles, et j’ai envie d’informer, mais aussi d’aider. J’ai envie tout simplement de donner aux gens les réponses que j’aurais aimé avoir plus tôt dans ma vie, et donner de la force à ceux qui vivent la même chose que moi et sont fatigués par les comportements validistes du monde.