La rubrique Paris 2024 met en lumière dans ce deuxième numéro le parcours de Ibrahim Guirassy.
Membre de l’équipe de France de basket fauteuil depuis 2015. Ce jeune papa, atteint de paraplégie, s’est lancé aujourd’hui dans un double projet sportif : obtenir la qualification pour les Jeux de Paris 2024 en basket fauteuil
et en javelot. Par son témoignage inspirant, Ibrahim nous partage son quotidien entre athlète de haut niveau et père de famille.
Ibrahim, peux-tu nous dire qui tu es ?
Je m’appelle Ibrahim Guirassy, je fais du basket fauteuil depuis 20 ans et je fais partie de l’équipe de France de basket fauteuil. Je pratique aussi l’athlétisme, en javelot et en lancer de poids. Mon objectif est d’aller aux Jeux Paralympiques dans les deux disciplines. Je travaille chez Décathlon en tant que vendeur grâce à un emploi du temps aménagé pour m’entraîner.
Comment ta carrière a-t-elle commencé ? Pourquoi le basket fauteuil ?
Pourquoi le basket fauteuil… Parce que tout est identique au basket valide, je peux passer ma soirée à regarder la NBA ! Clairement, au niveau des règles, tout est pareil, à part le panier qui est moins haut, il n’y a pas grand-chose qui change ! Finalement, c’est ça qui m’a poussé à faire du basket fauteuil. Au début, à Paris, je ne savais pas où l’on pouvait faire du basket fauteuil, mais un jour, un ami m’a parlé d’un club qui se trouve dans le 15e à Paris, je suis allé essayer, et depuis, je n’ai jamais arrêté.
Tu es en équipe de France depuis 2015 maintenant, quels sont les objectifs du groupe ?
Il n’y a pas longtemps, en juin, on était à Dubaï pour la Coupe du monde, puis à Rotterdam pour les championnats d’Europe et là, on est en train de préparer Paris 2024 pour obtenir la qualification !
Aujourd’hui, qui peut pratiquer le basket fauteuil ?
Tous les handicaps, même une personne valide, une fois qu’elle est assise dans le fauteuil, elle peut aussi pratiquer. Après, tout le monde n’a pas la même capacité physique, mais ça, c’est autre chose. C’est le gainage et les bras qui font tout ! Mais pourtant en France, on n’en parle pas beaucoup dans les médias, il y a beaucoup de personnes qui ne savent pas ce qu’est le basket fauteuil, et c’est dommage ! Quand tu vas dans les autres pays, le basket fauteuil est plus mis en avant qu’ici en France. J’ai déjà joué en Italie par exemple, là-bas à la télévision, il y a du basket fauteuil !
Dans cet objectif de double projet sportif, quel est ton classement aujourd’hui en athlétisme ?
Je n’ai pas encore commencé les compétitions, car je n’ai pas eu beaucoup de temps avec la naissance de ma fille, le basket, et le travail. Tous les samedis, on a des déplacements dans toute la France avec ma femme (Marie Carliez, en équipe de France féminine de basket fauteuil, NDLR) et comme on joue tous les deux, on fait chacun son tour pour pouvoir nous occuper de notre fille. Donc je n’ai pas de classement aujourd’hui !
On parle de sport et de parentalité dans ce numéro, et tu es toi-même papa d’une petite fille. Comment t’organises-tu entre ta vie parentale et ta vie de sportif de haut niveau ?
C’est de l’organisation ! Dès le matin, on l’amène à la crèche et ensuite, on peut partir aux entraînements de musculation. En fin de journée, on va la récupérer pour la déposer chez ma mère qui habite à Paris, nous habitons de notre côté à Nanterre à la Défense. Après, nous partons à l’entraînement avec ma femme de 20 heures à 22 heures et dès qu’on finit à 22 heures, on va la récupérer dans Paris. Et c’est comme ça tous les jours et tous les soirs !
Est-ce compliqué de le gérer au quotidien ?
Quand ma fille était toute petite, c’était compliqué de la laisser avec ma femme. Quand je suis parti à Dubaï en juin dernier par exemple, j’ai dû la laisser… Là, c’était compliqué. J’étais pressé de rentrer à la maison pour aller voir mon bébé et ma femme aussi, ce n’était pas facile, mais bon, c’est comme ça quand on est
parent ! Au niveau du matériel, on n’a pas voulu prendre de matériel adapté, comme le lit médicalisé par exemple. On a du matériel classique, on s’est débrouillé. C’est sûr qu’au début, on a un peu peur, et après, on prend l’habitude !
Est-ce que vous vous êtes renseignés avant la grossesse sur les aides qui pouvaient exister pour des parents en situation de handicap ?
Alors, nous étions à l’Hôpital Montsouris (Paris 14e, NDLR) , il y a une sage-femme qui est elle-même en fauteuil roulant. Et elle est vraiment top ! On est passé par elle, elle nous a aidés et elle nous a renseignés. On se comprend vraiment, car elle est en fauteuil roulant, donc si on a des questions, c’est plus facile. Elle est la seule en France, donc pour les personnes en fauteuil roulant qui veulent faire un bébé, il faut aller là-bas. Et c’est important pour nous, les personnes en fauteuil, ou ceux ou celles qui ont un handicap en général de se sentir compris. Elle nous a beaucoup aidés !
Aurais-tu des conseils à partager sur la gestion du temps pour un athlète paralympique de combiner sa vie professionnelle et personnelle ?
Si on est deux, c’est encore mieux pour tout ce qui est lié à l’organisation. Mais quand on est seul, il faudra demander les aides de l’Etat ou avoir une nounou. Comme ça, s’il y a une nounou à la maison, on peut aller s’entraîner plus tranquillement. Après, la fédération nous aide pour tout ce qui est lié à la nounou par exemple, mais nous, nous avons voulu nous débrouiller par nous-mêmes.
Quel message aimerais-tu faire passer pour les personnes qui sont en situation de handicap et qui souhaitent eux aussi être parents ?
Franchement, il faut y aller, il faut foncer et ne pas hésiter. Ce n’est pas parce qu’on a un fauteuil roulant, que l’on ne peut pas avoir un enfant. Il n’y a pas de honte à avoir ! Même par rapport au regard, parce que nous, dans la rue, parfois
il y a des personnes qui nous regardent, parce que l’on est deux personnes en fauteuil roulant avec un bébé dans la poussette. Mais on ne fait pas attention au regard des gens, on fait notre vie ! Tout le monde a envie d’être parents, avoir un bébé, faire sa vie, on est tous pareils. Même si ce n’est pas facile, il faut y aller, car c’est un bonheur d’avoir un bébé à la maison ! Et j’ai clairement envie d’avoir d’autres enfants.
Aujourd’hui, Paris 2024 en ligne de mire, quel est ton objectif ?
Déjà, pouvoir participer aux Jeux à la maison en basket fauteuil et en para-athlétisme, et pourquoi pas revenir avec une médaille, ça serait le rêve !
Enfin, [In]visibles pour toi, qu’est-ce que ça représente ?
On n’est pas tellement reconnu en France, pour moi, ça symbolise ça. On ne parle pas beaucoup de nous, les personnes en fauteuil, les personnes en situation de handicap, et on ne parle même que très peu des sportifs médaillés. Alors [In]visibles, ça peut représenter ce manque de visibilité !
