Le portrait de Anne-Sophie Rubler

Un nouveau destin vers le basket fauteuil Retour sur le parcours de Anne-Sophie Rubler qui a su faire sa place dans le basket fauteuil, après avoir vécu un accident qui a bouleversé sa vie. Aujourd’hui, membre de l’Équipe de France de basket fauteuil, elle et ses coéquipiers visent la qualification pour les Jeux de Paris 2024, lors du tournoi de qualification au Japon qui se déroulera en avril prochain, sur lequel elles devront se hisser dans les 4 premières places pour se qualifier.

Anne-Sophie, peux-tu te présenter en quelques mots ?

J’ai 35 ans, je suis originaire de Fos-sur- Mer et je joue actuellement au sein du CS Meaux. J’ai fait cette année ma première mutation après sept années passées au club de Marseille. Je suis salariée chez Orange en tant qu’assistante commerciale entreprise. Et à côté de ça, je suis aussi co-présidente d’une association qui s’appelle « Basket fauteuil au féminin », ayant pour objectif de développer et promouvoir cette discipline chez les femmes.

Tu as été victime d’un accident en 2013, suite à ça pourquoi as-tu décidé de t’orienter vers le basket fauteuil ?
J’ai eu un accident de la route en 2013 qui m’a rendue paraplégique. Avant l’accident, j’ai pratiqué la boxe pendant pas loin
de 10 ans. Durant ma rééducation, j’ai voulu rapidement reprendre une activité sportive, même si la boxe en fauteuil existe, je cherchais une nouvelle activité. J’ai rencontré un joueur de basket fauteuil qui était hospitalisé en même temps que moi dans la clinique, il m’a mis en relation avec le club de Marseille et c’est comme ça que je me suis retrouvée dans le basket. Au début, j’y allais ponctuellement parce que ce n’était pas la priorité à la sortie de la clinique, je devais retrouver une stabilité dans ma vie de tous les jours. Dès que j’ai goûté à la

compétition, par contre, je n’ai plus quitté le terrain. J’ai eu la chance de rapidement rentrer en équipe de France et forcément, ça m’a énormément motivée après à m’entraîner plus pour progresser. 

La reprise du sport t’a donné de la motivation dans ta reconstruction ?  

Je crois que le sport, pour moi, c’est ce qui a tout changé dans mon  parcours de reconstruction. J’ai fait le deuil de mon accident et de mon ancien corps durant mon année dans le centre de rééducation. Quand je suis sortie, j’avais accepté que je ne serais plus ce que j’étais et que je devais construire ma vie avec mon handicap. Le sport, m’a permis d’accepter ma nouvelle image et d’envisager l’avenir plus sereinement., Quand survient le handicap il est difficile d’accepter le regard des gens ou le regard tout simplement que l’on porte sur soi-même en tant que femme handicapée .Le fauteuil renvoie une image de femme vulnérable ou « moins capable ». Être sportive, m’a permis à la fois de revaloriser cette image mais aussi de faire la connaissance d’autres personnes dans la même situation avec des parcours différents. J’ai beaucoup appris de ces personnes-là, et ça m’a permis d’évoluer sur la perception du handicap pour moi mais aussi pour ceux qui m’entourent. 

Quelles ont été les choses les plus difficiles pour toi après ton accident pour construire ta carrière sportive à la différence d’une personne qui est née dans un fauteuil ?

Une personne qui est née avec son handicap a souvent plus de facilités avec son fauteuil et son handicap qu’une personne accidentée. Quand le handicap survient du jour au lendemain, tout ce que tu pensais acquis dans ta vie jusqu’à présent n’existe plus. Tout est à réapprendre, même les gestes les plus simples du quotidien. Cela remet un petit peu les priorités en place. Dans le cadre du sport , la manipulation du fauteuil se travaille comme tous les aspects techniques de ce sport. Avec de l’entraînement on peut tout a fait faire sa place dans ce sport même si on a pas grandi en fauteuil roulant. Il y a d’ailleurs beaucoup de très bons joueurs qui ont un handicap qui ne nécessite pas d’être en fauteuil dans la vie quotidienne. 

Peux-tu nous parler de cette association que tu as créée ?

C’est un projet que j’ai co-créé avec une de mes coéquipières de l’équipe de France, Marion Blais. On a décidé de se lancer toutes les deux à la suite du championnat d’Europe de Madrid en 2021 où les résultats ont été difficiles. On se projetait sur Paris 2024 et on a pris conscience que si on espérait être présentes et avoir une équipe compétitive, il fallait apporter des changements dans notre préparation car ce que l’on avait actuellement ne suffisait pas pour nous rendre performantes par rapport aux autres nations. Le basket fauteuil est une discipline mixte en championnat avec ses avantages mais aussi ses inconvénients. Dans une bonne partie des clubs, sans faire une généralité parce que ce n’est pas vrai partout et pour toutes mais quand une féminine pratique un sport à dominance masculine, elle doit souvent redoubler d’efforts pour faire sa place. Le problème aujourd’hui est que l’on a des filles qui ne jouent pas ou peu, et quand elles jouent elles ont peu de responsabilités. Si dans le lot il y en a quelques-unes qui arrivent à tirer leur épingle du jeu en ayant un vrai temps de jeu et des responsabilités, malheureusement ce n’est pas le cas pour toutes. Quand on se retrouve en équipe de France et donc dans une équipe féminine, il nous manque des automatismes nécessaires pour être performantes dû au manque d’expérience sur le terrain. Avec Marion, on a donc voulu créer une équipe féminine engagée en championnat afin de jouer ensemble toute l’année , gagner en confiance ,en expérience et développer notre collectif.  En parallèle, on essaie également de développer la discipline auprès des femmes. On organise un tournoi féminin en invitant toutes les licenciées en France une fois dans l’année, et un Summer Camp au mois de juillet.

Il s’agit d’une équipe exclusivement dédiée aux femmes alors ? Comment l’équipe se constitue-t-elle ?

L’équipe des Amazones est une équipe 100% féminine qui joue dans le championnat de France de nationale 2.C’est une équipe composée principalement des filles du collectif France. On a pu, sur certains matchs, faire venir d’autres filles, mais le premier objectif c’était vraiment de faire évoluer notre collectif pour la préparation de Paris 2024.Aujourd’hui c’est un projet et un fonctionnement qu’on souhaite faire évoluer. Et si dans l’avenir on peut créer d’autres équipes en augmentant le nombre de joueuses cela sera encore mieux ! 

Comment as-tu fait ta place dans le basket fauteuil et notamment parmi les hommes ?  

Tout dépend du collectif dans lequel on évolue. Pour moi ça se passe très bien à Meaux. Le club a une équipe en Elite et une équipe en Nationale 1 , je m’entraîne avec les deux équipes , et actuellement je joue avec l’équipe évoluant en nationale 1. J’ai la chance d’avoir la confiance de mon coach et de mes coéquipiers pour me permettre de travailler dans de bonnes conditions. 

Et aujourd’hui, en tant qu’athlète comment tu te sens ? Qu’est-ce que ça représente pour toi d’avoir ta place en Équipe de France de basket fauteuil ?

Je suis toujours très fière de porter le maillot de l’équipe de France. Si on a créé l’équipe des Amazones avec Marion c’est parce que l’on a envie de réussir à faire quelque chose, parce qu’on aime notre sport et qu’on aime l’équipe. Je mets beaucoup d’énergie et d’envie depuis des années, le basket fait partie de ma vie au quotidien. C’est entre 2h et 3h30 d’entraînement tous les jours, plus les matchs le week-end où l’on traverse toute la France. Il faut aussi compter les matchs avec l’équipe féminine, et ceux avec l’équipe de France. C’est un gros investissement. Ce n’est pas toujours évident avec une activité professionnelle. J’aimerais pouvoir dédier mon temps à mon sport, mais le basket ne me fait pas vivre. Donc j’essaie de trouver du temps comme je peux , surtout en trouvant l’énergie pour tout cumuler. J’ai la chance que Orange me soutient dans mon projet sportif en me permettant de faire du télétravail et en étant libérée pour les compétitions et stages avec l’équipe de France sinon ce ne serait pas gérable. 

Paris 2024 en ligne de mire, quel serait votre objectif ?

L’objectif est d’être présent à Paris d’abord ! On est concentrées sur ce tournoi qualificatif au Japon pour gagner notre place aux Jeux. On pensait avoir notre qualification d’office en tant que pays hôte mais ils ont changé cette règle il y a peu de temps. Donc aujourd’hui, l’objectif est vraiment d’aller chercher cette qualification au mois d’avril à Osaka. 

Pour finir, aurais-tu un message à faire passer à des personnes qui, comme toi, ont pu vivre un accident tragique et pour qui la vie a été chamboulée ? 

J’ai toujours envie d’encourager à se lancer dans une pratique sportive. Sans nécessairement pratiquer à haut niveau. Le sport rend plus fort physiquement et mentalement. Il aide dans le développement de l’autonomie. On fait beaucoup de déplacements dans des lieux qui ne sont pas toujours accessibles et on apprend vraiment à s’adapter. On apprend aussi des autres et le sport permet de vivre de belles expériences et de faire de belles rencontres. Si pour moi c’est le sport qui a été un pilier dans ma reconstruction, je voudrais dire aux personnes dont la vie est chamboulée du jour au lendemain par le handicap de continuer à croire qu’ils sont capables de réaliser tout ce qu’ils désirent, que même si la guérison est parfois longue, que la reconstruction est possible, que le handicap ne sera plus un problème pour les personnes qui vous entourent quand ce ne sera plus un problème pour vous, qu’il est possible de trouver les ressources pour nous adapter. Ce n’est pas parce qu’on accepte son handicap qu’il définit ce que nous sommes. Ce n’est évidemment pas tous les jours facile , la vie est chamboulée après un accident mais ce n’est que le début d’un nouveau chapitre qui peut être riche et passionnant. 

Palmarès de Anne Sophie : 

8ème aux championnats du monde en 2018 

5ème aux championnats d’Europe en 2019 

5ème aux championnats d’Europe en 2021 

5ème aux championnats d’Europe en 2023