Le portrait de Chloé Pinto

Ce mois-ci, l’équipe de (In)visibles a fait la rencontre de Chloé Pinto, membre de l’équipe de France de parabiathlon et double championne de France, dans la catégorie debout LW9. Alors que la neige est au rendez-vous entre compétitions et travail, Chloé
nous livre son nouveau quotidien !

Bonjour Chloé, tu fais partie aujourd’hui de l’équipe de France de para biathlon, raconte-nous ton histoire… Comment ta carrière a-t-elle débuté ? Pourquoi as-tu fait le choix du para biathlon ?
Je m’appelle Chloé Pinto, j’ai 23 ans, je suis originaire du Beaufortain, d’une station qui s’appelle Arèche-Beaufort en Savoie. Je pratique le ski nordique et le biathlon. Issue d’une famille de sportifs, j’ai toujours pratiqué du sport pendant l’enfance, lorsque, à 6 ans, j’ai fait un AVC de manière assez inattendue. Étant en ski club à l’époque, le niveau était en train de croître, et j’ai donc dû arrêter ma pratique pendant une période, ça devenait compliqué et je n’arrivais pas à suivre le rythme. Et, c’est en 2016, lorsque je regardais les Jeux Olympiques, c’était à Rio, je crois, et sur les épreuves paralympiques, je regardais une épreuve de natation et à un moment j’ai vu une athlète qui avait une atrophie du mollet, c’est-à-dire un rétrécissement des muscles du mollet. À l’époque, j’avais une image très stéréotypée du handisport : pour moi, cela concernait uniquement des personnes en fauteuil roulant.

Mais lorsque j’ai vu cette fille qui avait, disons, un handicap relativement léger comparé à quelqu’un en fauteuil, je me suis dit : « Finalement, pourquoi pas moi ? » Comme je l’ai dit, étant d’origine du Beaufortain, on avait notre grande championne Marie Bochet, en para ski alpin, qui vient tout juste d’arrêter sa carrière, mais qui était dans le même skiclub que moi aujourd’hui. Après 2016,
j’ai commencé à y réfléchir davantage et à envisager sérieusement cette possibilité. J’ai demandé à ma mère de se renseigner et de contacter des personnes impliquées dans ce milieu. Elle a obtenu le numéro de l’entraîneur des équipes de France, qui m’a orienté vers les comités de ski adaptés. J’ai ainsi pu participer à une journée de découverte, ludique et conviviale, qui m’a beaucoup plu. Par la suite, j’ai repris contact avec le ski club d’Arêches-Beaufort, où je m’entraînais, plus jeune. J’ai demandé si je pouvais reprendre les entraînements avec eux, aux côtés des valides. L’entraîneur, que je connaissais déjà, a accepté sans problème. Pour eux, cela semblait assez simple à gérer : j’étais debout, autonome et capable de suivre les déplacements en bus ou sur les pistes, ce qui facilitait mon intégration.

J’ai donc repris progressivement les entraînements en 2017, et peu à peu, j’ai été intégrée à des stages avec l’équipe de France sous la supervision de Vincent. D’abord un stage, puis deux, puis trois, jusqu’à augmenter progressivement ma participation. En 2019, j’ai officiellement intégré l’équipe de France, et j’ai continué à progresser avec eux. Finalement, en 2021, en plein Covid, j’ai participé à ma première Coupe du Monde à Plein-Nit-Saint, en Slovénie.

À la suite de ton accident, tu as dû te réadapter pour continuer à pratiquer ta discipline, comment l’as-tu géré ?
Effectivement le para ski nordique est très différent du ski valide. J’ai eu la chance dans mon accident, de l’avoir eu très jeune. Je n’ai donc finalement que très peu de souvenirs de ma vie « valide », je n’avais que 6 ans, alors c’est comme si j’avais toujours vécu comme ça. Je me suis donc relativement bien adaptée, je pense, et j’ai trouvé des solutions pour être autonome à 100%, comme conduire une voiture par exemple. À l’époque, le sport, je le pratiquais un peu après l’école mais c’est tout. Alors, je dirai que j’ai pas eu trop de changements entre ce que j’ai pu connaître et maintenant.

En tant que sportive de haut niveau, comment tes journées sont-elles rythmées ? Comment organises-tu ta pratique tout au long de l’année ?
Alors, c’est vrai que l’hiver, quand on est en stage, c’est une organisation totalement différente que lorsque je suis à la maison. On va partir par exemple sur des stages d’une semaine, durant lesquels on fait deux entraînements par jour, un le matin et un l’après-midi, et après on a un peu tout ce qui va être lié aux soins : les récup kinés, les étirements, les bains froids si il y a besoin, tout ça. Et après, quand on est à la maison hors stage, notre emploi du temps va être un peu différent car chacun va avoir ses particularités. Cet hiver sera une nouvelle expérience pour moi, car c’est la première fois que je travaille tout en poursuivant mes entraînements. L’hiver dernier, j’étais entièrement dédiée à cela, avec mes journées centrées sur l’entraînement : une séance le matin, suivie d’une sieste, puis soit une deuxième séance l’après-midi, soit du repos selon le programme. Cette fois, il faudra trouver un équilibre pour tout concilier, mais j’ai la chance d’avoir des employeurs très compréhensifs. Ils m’ont clairement dit qu’ils savent que ma carrière sportive est temporaire et que, pour eux, ma priorité reste mon sport et ma préparation, le travail venant après, même si c’est très important pour moi. Si j’ai des semaines d’entraînement un peu plus légères, j’essaierai de consacrer davantage de temps au travail. Cependant, en regardant le planning, il reste peu de semaines libres, car nous sommes souvent en tournée, en stage, ou pris par des engagements avec la fédération. Mon objectif est donc de m’organiser au mieux. Si je dois travailler une journée complète, j’ai la chance que mon bureau soit à proximité des pistes de ski. Même en terminant à 17 heures, je peux encore profiter d’une heure de ski à la frontale. Sinon, je m’adapterai en fractionnant mes journées, travaillant soit le matin, soit l’après-midi, et en réservant l’autre moitié à l’entraînement.

Et où en es-tu aujourd’hui dans ta carrière ?
J’ai réalisé ma première Coupe du Monde en 2021, après ça, j’ai fait mes premiers Championnats du Monde en 2022, en Suède. J’ai poursuivi en parallèle des études de commerce le tout en distanciel. Il s’agissait d’ un bachelor en ligne que j’ai finalisé en 2023 aussi. Il peut être difficile dans ma situation, quand on n’est pas au très très haut niveau, de vivre clairement de son sport,donc, une fois les études terminées, j’ai voulu chercher du travail.