PORTRAIT DE LOUISE

– Qui es-tu et que fais-tu dans la vie ?

Je m’appelle Louise Aubert, j’ai 25 ans et cela fait dix ans que je vis dans le sud de la France à Narbonne. Passionnée par le droit, j’ai effectué six d’années d’étude afin de devenir Commissaire de Justice. J’ai eu le concours d’entrée en 2022 et j’ai travaillé dans une étude de Commissaires de Justice sur Narbonne jusqu’en janvier 2024. 

Malheureusement mon état de santé s’étant largement dégradé l’année dernière à la suite d’épisodes d’hémoptysies, les médecins m’ont conseillé de faire une pause dans ma carrière afin de me consacrer à 100% à mes soins et ainsi, peut-être, d’éviter la greffe des poumons, et pour la première fois, je les ai écouté. 

– Tu as la mucoviscidose, peux-tu nous en dire plus sur cette maladie et sur ta mutation, s’il te plait ? 

La mucoviscidose est une maladie génétique dégénérative touchant le pancréas et les poumons. Elle se caractérise par un dysfonctionnement du système respiratoire. La maladie a la particularité de posséder différentes mutations, l’évolution de la maladie chez les patients et les traitements diffèrent ainsi entre eux. Personnellement, j’ai une mutation dite stop, qui concerne moins de 1% des personnes atteintes d’une mucoviscidose. Pour cette raison, le traitement de trithérapie appelé Kaftrio mis au point pour soulager les patients n’est pas efficace sur moi. 

– Comment la maladie évolue chez toi ? De l’annonce à l’adolescence et aujourd’hui ? 

J’ai été diagnostiquée très tôt, à un mois donc j’ai toujours eu connaissance de ma maladie. Je dirais qu’étant enfant elle était présente et contraignante mais elle était relativement stable, mes parents nous ont élevé afin que nous ayons toujours conscience de notre état sans que cela ne soit un frein à nos rêves. J’avais quelque chose en plus des autres et pas en moins. A l’adolescence, cela a été un plus compliqué car la maladie s’est accélérée, et j’ai commencé à comprendre qu’elle risquait de prendre de plus en plus de place dans ma vie. La maladie se caractérise par des épisodes infectieux qui fragilisent l’organisme, en grandissant ces incidents se sont multipliés augmentant la charge des soins. Aujourd’hui j’ai plusieurs heures de soins par jour, une médication importante (environ 25 comprimés) et une hygiène de vie très stricte afin de faire en sorte que mon état reste stable. 

– Dans ta famille, tu n’es pas la seule à avoir cette maladie, ta sœur l’a aussi, comment ça se fait ? 

Mes parents sont des porteurs sains, c’est à dire qu’ils ont le gène de la muco mais qu’ils n’en sont pas atteints. Dès lors que deux personnes sont porteuses du gène, elles ont un certain risque d’avoir des enfants muco, ainsi ma sœur et moi avons la maladie mais pas mon frère, c’est la loterie génétique. 

– Comment vis-tu avec ta maladie ? Comment peux-tu profiter des moments de vie entres les soins et les séjours à l’hôpital ? 

Tout est une question d’organisation et de soutien. J’ai la chance d’avoir un entourage très présent pour moi et cela m’aide beaucoup, nous avons tendance à fêter le moindre événement et cela me permet de célébrer chacune des petites victoires que l’on peut avoir sur la maladie. On fête la fin d’une cure antibiotique tous ensemble, de bons résultats d’analyse, un retour d’hospitalisation… Se concentrer sur ces moments de joie est essentiel pour ne pas être noyée dans l’ensemble des déceptions et du quotidien harassant. Bien sûr, parfois cela est difficile mais avec de l’organisation il est possible de prévoir un barbecue entre amis tout en étant branchée en intraveineuse, c’est primordial de continuer à s’accorder de petits plaisirs.  

– Tu t’es mariée civilement il y a quelques mois, comment as-tu vécu ton mariage ? Comment arrive-t-on à se projeter avec la mucoviscidose ? 

Je me suis mariée civilement le 27.12.2023 et je me marie religieusement le 22.06.2024. Après une hospitalisation assez traumatisante, mon compagnon et moi avons décidé d’avancer notre mariage civil afin de le célébrer le mois d’après en petit comité avec nos familles proches et nos témoins. C’était un moment simple et rempli d’émotions qui est apparu comme une parenthèse pleine d’amour et d’allégresse dans une période où l’on en avait bien besoin. Nous organisons actuellement notre union religieuse avec le reste de notre famille et nos amis pour le mois de juin. 

Faire des projets avec une mucoviscidose est très difficile, surtout lorsqu’on a déjà été très déçue par le passé mais cela est essentiel pour continuer d’avancer. Il faut apprendre à renoncer à certaines choses et se contenter de ce qu’il est possible de prévoir avec de l’organisation. Par exemple, pour être sûre d’être présente en juin, l’équipe thérapeutique et moi-même avons prévu une cure antibiotique par intraveineuse les semaines précédents le mariage. Il faut accepter qu’il existe toujours un risque mais qu’avec du travail on peut mettre toutes les chances de son côté. La maladie nous prive de spontanéité mais pas d’avenir. 

– Comment arrives-tu à rester positive ? 

Comme pour tout le monde, il y a des journées très difficiles mais je pèse ma chance d’avoir un mari, une famille et des amis aussi présents, qui me permettent de continuer à vivre malgré les contraintes et les peines. 

L’acceptation prend du temps, j’ai mis plus de 10 ans à comprendre que je ne définissais pas qu’en fonction de ma carrière professionnelle et qu’il fallait que je me fasse passer en priorité. Renoncer à une certaine « normalité » et à sa qualité de vie pour prioriser sa santé est un dur labeur. Mais aujourd’hui j’essaie de mettre mon temps d’inactivité professionnelle à profit en faisant tout ce que je n’avais pas le temps de faire en travaillant, je suis bénévole dans un refuge animalier, je lis au soleil le matin, je vois plus régulièrement ma grand-mère, je fais plus de sport ce qui est bénéfique dans le traitement de ma maladie…  

– Comment les médecins voient l’évolution de ta maladie dans les prochaines années ? 

– Aurais-tu un message à faire passer à nos lecteurs ? 

Faites confiance à votre capacité de résilience. Je ne suis pas partisane du « il y a du positif dans tout » car cela est parfois faux. En revanche, je sais qu’avec le temps on s’habitue à des rythmes et à des situations qui nous paraissent de prime abord impossibles. Il y a un an je ne me serais jamais cru capable d’arrêter de travailler pour favoriser ma santé, de vivre avec un diabète, de m’être fait poser une chambre implantable, d’enchainer les hospitalisations pratiquement tous les mois, de doubler mes soins et pourtant j’y suis arrivée avec beaucoup de soutien. Il faut pouvoir se laisser du temps pour accepter une situation, il est normal de se sentir désemparé. Se concentrer sur les choses qui nous procure de la joie est important et ne pas hésiter à se faire aider psychologiquement si nécessaire.